La légende du Roitelet

Publié le 14 Août 2017

A Tiphaine et Elyne

Ce matin-là, j'étais assis au milieu de mon potager, rêvant à je ne sais quel projet.

Entre les grandes fleurs jaunes des tournesols, j'entrevoyais le clocher du village. Le temps était calme et doux.

Soudain, un oiseau pas plus grand qu'une noix vint se percher au sommet d'un piquet de pied de tomates. Son poids aurait à peine fait courber un brin d'herbe.

Je le regardais, intrigué. Il ne semblait pas être effrayé de ma présence.

A ma grande surprise, il prit la parole :

« Je t'observe depuis quelque temps, je sais que tu es l'ami des oiseaux et des plantes. Tu les protèges, parfois même, tu leur parles. Je connais tes projets d'écrire leurs histoires et leurs bienfaits sur tes frères, les humains.

Mais tu ignores sans doute que je suis issu d'une très ancienne dynastie et que je suis un roi, me dit-il. Je ne ruine pas l'État, cinq à six graines me suffisent, une poignée de mousse et quelques poils de chèvre me font un lit douillet qu'une feuille de noisetier protège comme un baldaquin ».

Je lui fis part de mon étonnement.

« Comment est-ce qu'un petit personnage comme toi a pu devenir roi ? » lui demandais-je.

« Je vais te raconter » :

L'affaire étant des plus étranges et ne voulant pas être seul à écouter ce mystère, j'ai appelé mes amis du potager. Rouges-gorges, mésanges et pinsons se sont installés sur les branches des pommiers, bourdons et abeilles ont cessé de butiner les bouquets de lavande et de bourrache. J'ai demandé aux grenouilles qui discutaient au bord du ruisseau de faire silence. Le couple de ramier perché dans les grands sapins fut prié de cesser leur roucoulement. Une taupe de passage sortit la tête de sa galerie.

Caillou, Séraphine et Agathe les trois chats de la maison s'installèrent à mes pieds. Les oiseaux m'interrogèrent du regard mais je leur fis signe que tout allait bien et qu'il n'y avait rien à craindre.

Juste après le dernier coup de huit heures au clocher du village, quand tout redevint silencieux dans la fine rosée de ce matin ensoleillé, du haut de son perchoir improvisé, notre petit oiseau gonfla ses plumes et commença son discours :

« Il y a de cela bien longtemps, quand toutes les bêtes étaient douées de paroles, il arriva que le roi des animaux étant mort, il fallut lui trouver un remplaçant. Ainsi, en un lieu de la vallée du Loir, sur une grande île aujourd'hui disparue, tous les représentants des animaux se rassemblèrent. Les plus puissants se mirent au premier rang : le lion, le tigre, le sanglier... puis les plus gros : l'éléphant, l'hippopotame, le bœuf... les plus grands : la girafe, le dromadaire... les plus rapides : le cheval, l'antilope, le cerf... et les plus malins : le renard, le singe...

Le poste devait être enviable et la place de choix car tous aspiraient au poste suprême. Après de longues négociations, on tomba d'accord en disant que ce serait un oiseau. Celui-ci, plus léger et plus rapide pourrait ainsi se déplacer plus aisément pour surveiller les affaires d'un bout à l'autre de son royaume.

Il fut convenu que la couronne serait posée sur celui qui s'élèverait le plus haut dans le ciel. Buse, vautour, cigogne, faucon, merle, hirondelle, pigeon...tous déposèrent leur candidature, impossible de dire combien ils étaient.

On donna le signal et tous s'envolèrent dans un ciel bleu, sans nuage.

Une bonne moitié redescendit très vite puis les uns après les autres, ils renoncèrent.

Seul, l'aigle montait, montait toujours plus haut. Enfin à bout de force et de souffle, il s'arrêta et sûr de sa victoire, il cria : « j'ai gagné ! C'est moi, je suis le roi !! ».

Une surprise l'attendait car à quelques centimètres au-dessus de sa tête, il entendit une petite voix fluette : «  Non, non tu es un menteur ! C'est moi le roi, regarde j'ai volé plus haut que toi ! »

« Mais alors, demandais-je à notre conteur ailé, qui était cet oiseau qui volait au-dessus de l'aigle et comment a-t-il fait ?

Cet oiseau, vois-tu, qui volait au-dessus de l'aigle, c'était mon ancêtre. Plus malin que les autres, juste avant le départ, il s'était glissé dans les plumes de l'aigle et il avait ainsi pu s'envoler à son tour sans peine.

La manœuvre était habile.

L'assemblée fut frappée de stupeur. Elle ne voyait pas d'un bon œil se faire gouverner par un si petit oiseau que le premier coup de vent allait souffler comme une graine de pissenlit.

Mais il était monté plus haut que les autres et la justice des animaux voulut qu'il fut élu.

Alors, en bonne politique, on trouva un arrangement et l'assemblée convint que l'aigle serait le roi et le petit oiseau : le Roitelet.

« Le potager futé est ton royaume, si tu veux, lui dis-je.

Tout le monde applaudit puis retourna à ses occupations.

Depuis, le Roitelet se cache dans les haies et on le voit de temps en temps sauter de branche en branche.

Lorsqu'il vole on dirait une fleur.

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

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