Le potager au bout du jardin
Publié le 27 Juillet 2017
« ...J’ai toujours vécu sur moi, me disait un paysan, les œufs de mes poules, les légumes de mon clos, quelquefois un lapin. Je n’ai bu que de la frênette et le petit cidre de mes pommes, les années qu’il y a des pommes. Mais pour conserver un homme, voyez-vous, il n’y a que l’ail et le poireau... » Docteur Besançon

Avoir une maison avec son jardin où poussent légumes et fruits pour se nourrir de sa production comme autrefois est un vrai bonheur.
La cueillette se fait le matin à l'heure où toutes les vitamines sont retenues par une fraîche rosée.
Tout juste dans le panier, on en fait des salades ou des conserves respectant ainsi la loi de la fraîcheur.
Mais attention, pour ceux, qui comme Candide rêvent de cultiver leur jardin, le potager a plus besoin de technique que de philosophie.
Depuis 30 ans le terrain avait été abandonné, livré aux ronces, épines noires, orties et autres herbes folles. quelques sureaux et frênes avaient grandi et faisaient un écran aux rayons du soleil. Dans un coin, des bambous arrivés on ne sait comment avaient transformé l'endroit en jungle tropicale et lançaient leur rhizomes et turions à l'assaut du terrain. La bataille s'annonçait rude. Pendant plusieurs mois, il a fallu bomber le torse, gonfler les biceps, cracher dans les mains, abattre, défricher, désherber, labourer pour remettre de l'ordre dans cette brousse.

Pour réussir, il faut, certes, une bonne dose d'énergie mais aussi du bon matériel. Il ne faut pas économiser sur les outils mais les choisir de bonne qualité. Les sécateurs pas chers refusent de couper et les bêches promo se tordent au premier caillou rencontré. « Il faut être riche pour acheter bon marché » disait ma grand-mère.
L'essentiel de mes outils proviennent de mon grand-père. Bêche, pioche, râteaux avaient fait leur preuve pendant des décennies, ils m'ont juré de m'accompagner encore si je prenais bien soin d'eux. Je me suis astreint à chausser les gants ce qui n'empêche pas le mal aux reins et les ampoules.
Il a fallu tracer les allées, délimiter les carrés ici les betteraves, les poireaux et les carottes, là les oignons, les épinards, les radis, les courgettes, ailleurs les haricots nains, les choux, les salades, le quatrième reçoit les tomates, les courges, les bettes, les aubergines...
Aujourd'hui, quand on le regarde, on ne voit pas la fin car il se mêle à la nature environnante qui batifole au gré de son humeur.
Je l'ai voulu exubérant, coloré, chatoyant, varié, éloquent, touchant, vigoureux, vivant.
J'ai appris un livre dans une main et le sécateur dans l'autre ne dédaignant pas, pour autant, les conseils de jardiniers avertis. Christian, Pierre, René sont de ceux-là. Rien ne remplace le geste montré et la tradition orale. Mais les conseils avisés de mes amis ne m'ont pas empêché de faire des erreurs. Semer trop tôt ou trop serré et voilà les radis ou les carottes comme des fils.
Mais au bout du compte, la meilleure carte de visite du conseiller est son propre potager. La nature vous apprend l'humilité et la patience. Créer son potager, c'est comprendre le cycle des saisons, le temps qui passe, celui qui fait la pluie, le vent, le gel et le soleil. C'est lutter en permanence contre les mauvaises herbes, éloigner les fourmis, se protéger des limaces ou des pucerons, pester et enrager contre une taupe ou des courtilières. Chaque année, on espère que le mildiou nous épargnera.
J'ai fait beaucoup de progrès et je connais d'encourageantes réussites. J'ai appris la rotation des cultures et les cultures associées. Chaque jour j'ai biné, bêché et peiné mais, désormais, le potager dont je rêvais est devenu prospère et magnifique. Je vois la bonne terre noire de mon enfance recommencer à produire : radis, choux, salades, betteraves, tomates et pommes de terre. Ici point de pesticides, l'épinard stimule la croissance de ses voisins, la capucine attire les pucerons, la carotte et le poireau se protègent mutuellement. Merles, mésanges, pinsons, rouges-gorges, coccinelles sont devenus mes collaborateurs efficaces. Rien n'est jeté, un bac à compost récupère tous les déchets végétaux, les orties deviennent purin utilisé comme engrais ou insecticide.

Pour égayer le tout, donner de la couleur et attirer les insectes pollinisateurs, j'ai semé de la bourrache, délimiter les allées avec des œillets d'Inde jaunes et orangers. Ici des glaïeuls, là des dahlias, au loin des tournesols. Depuis un an j'ai mis en place les plantes vivaces : pavots, gueules-de-loups, œillets, lupins, marguerites, amour en cage, giroflées et j'ai appris à ne point trop enfouir ni à planter trop tard les bulbes à floraison printanière. J'ai construit deux hôtels à insectes trois étoiles gratuits pour les abeilles solitaires, bourdons, papillons, coccinelles, chysopes qu'ils soient pollinisateurs ou prédateurs naturels des nuisibles du potager.
Un carré a été réservé aux aromates, coriandre, sarriette, thym, persil, romarin, ciboule, menthe, sauge...
Si parfois les dents grincent devant une tomate qui refuse de rougir ou une marguerite effeuillée par mégarde d'un coup de sécateur, le mariage semble presque parfait entre légumes et fleurs.
Je voulais faire renaître le jardin de Louis, il est devenu "le potager futé" à Saint Jean
« Jardin comestible, couleurs et senteurs pour le plaisir. »
Louis, mon grand-père, dans le jardin dans les années 80 et les travaux de débroussaillage à mon arrivée.

